Le Peuple Kichwa de Sarayaku





Le peuple Kichwa de Sarayaku
Sarayaku est un village indien situé au cœur de l’Amazonie équatorienne. Environ 1500 habitants y vivent encore de façon traditionnelle, de chasse, de pêche, d’agriculture et d’élevage. Ils se nomment le peuple Kichwa de Sarayaku et sont les voisins d’autres peuples indiens comme les HUAORANIS, les SHUARS, ASHUARS, etc…
Le peuple Kichwa de Sarayaku vit sur les berges du fleuve Bobonaza, dans la province de Pastaza. Il gère environ 135.000 hectares de territoires ancestraux dont il a obtenu de l’état équatorien les titres de propriété collective. Jusqu’à aujourd’hui, il dépend entièrement pour ses ressources de la forêt tropicale. Il utilise toujours les plantes alimentaires, médicinales, ornementales, rituelles et construit en bois les maisons, les pirogues, les objets utilitaires et les outils. Sarayaku possède son propre mode de gouvernement traditionnel basé sur des principes démocratiques extrêmement développés.
La vie quotidienne
La chakra est l’équivalent de notre potager. On y cultive le manioc, plusieurs sortes de bananes et de fèves, des ananas, du maïs, des fruits de palme comme la chonta, du piment, quelques agrumes (orange, citron, pamplemousse), du naranjilla (fruit comme une grosse groseille), patates douces, papa china et bien d’autre sorte de tubercules, cannes à sucre, tomates, une sorte de ciboulette, haricots, une sorte de potiron. Les plantes se sèment et se plantent suivant la qualité de la terre. Défrichage et brûlis ne se font que sur des petites parties.
La chakra durera le temps d’une récolte, soit plus ou moins deux ans. Après, le terrain sera abandonné à la nature pour un minimum de dix à quinze ans. Sur ce terrain, on aura semé des palmiers chonta, chambira, morete. Des arbres fruitiers comme des Uvilla et Killa (cacao sauvage), barbasco (la racine qu’on utilise pour pêcher) qui continueront à produire pendant plusieurs années.
La chasse communautaire ne se fait qu’à certains moments de l’année, pour laisser les animaux en paix pendant les périodes de reproduction. Mais la chasse familiale se fait plus régulièrement, souvent une fois par semaine, en petite quantité, pour assurer l’alimentation de la famille.
Nous chassons avec des sarbacanes, en lançant des flèches trempées dans du curare (poison végétal), des pièges ou des carabines. A partir de 8 ans, un enfant peut chasser un oiseau avec la sarbacane. Un adulte, à partir de 15 ans, chassera un animal plus gros avec une carabine. Il y a des endroits où la carabine ne peut pas être utilisée, zone sacrée ou trop près des maisons. Nous chassons couramment : deux espèces de sanglier (wanta, watusa), différentes sortes d’oiseaux. Plus rarement : le tapir, car en danger d’extinction, quelques singes, le tatou, les écureuils. Au retour de la chasse communautaire, nous fumons les viandes pour la conservation.
La céramique est un artisanat pratiqué par les femmes. A base d’argile très fine, brune, beige, ou grise, elles modèlent tous nos récipients, du plus petit pour boire la chicha (bière ou lait de manioc selon son degré de fermentation) au plus grand (jarre de conservation), en passant par tous les plats utiles à la cuisine. Elles décorent très finement en utilisant comme colorant des poudres de roche, et comme pinceau une petit mèche de leurs cheveux ! Ensuite, elles cuisent la céramique au feu de bois, puis la vernissent tant qu’elle est encore chaude avec la résine d’un arbre, shilkillu. Les mukawas ou puros servent exclusivement à boire la chicha.Le tinaja est une grosse jarre peinte généralement en rouge et blanc, pour conserver la chicha pendant la fermentation. Les callanas, de couleur brun foncé, s’utilisent seulement pour la nourriture. Elles ne sont pas peintes, mais recouvertes d’un liquide d’une feuille de papa china, ensuite cuites au feu de bois.
Le palmier est utile jusqu’au bout. Il y a beaucoup de sortes de palmiers. On cueille les fruits des palmiers morete, chili, chambira, chiwa, chonta. On mange le cœur de la chonta, le chili, le taraputu, le ramos, le chiwa. On utilise pour la toiture des habitations les feuilles des palmiers lisans, wayura et ukscha.Les nervures des feuilles de chambira sont travaillées pour fabriquer de la corde, de la ficelle, des brosses. Le chambira, le chili et la chonta s’utilisent pour l’artisanat et la construction. Quand il est trop vieux ou trop grand pour permettre les récoltes, on le coupe, on récolte le cœur du tronc pour le cuisiner. Puis, on le laisse pourrir (ce qui est rapide dans le climat chaud et humide). Cela attire une espèce d’insecte particulière, qui y pond ses œufs. Quand les œufs sont devenus de grosses larves, elles sont ramassées pour devenir un mets de choix pour les Kichwas.
Les Yachaks
Yachaks est le nom que donne le peuple kichwa de Sarayaku à leurs « chamanes ».
La fonction de Yachak est complexe et difficile à décrire et à comprendre pour un public occidental.
Le Yachak est avant tout une autorité morale, un « sage » qui a traversé une longue et difficile initiation. Il est un élément fortement structurant, qui entretient la cohésion du groupe, à la fois guide spirituel, pivot social, guérisseur. En transmettant son savoir aux jeunes générations, il contribue à perpétuer et à entretenir continuellement l’identité culturelle de son peuple.
Plusieurs voyageurs incrédules, dont bien sûr de nombreux anthropologues, ont été saisis voire bouleversés par les capacités des Yachaks. Hélas, une certaine mode aidant, de nombreux faux «chamanes» ont envahi les villes d’Amérique du Sud et sévissent jusqu’en Occident, déconsidérant le savoir des hommes de la forêt. Les anciens luttent aujourd’hui pour se relier et combattre ce problème de charlatanisme. Ils doivent aussi résoudre le problème de la désaffection des jeunes pour leur voie, considérée comme beaucoup trop difficile. Toutes ces raisons conjuguées mettent en péril les savoirs accumulés par ces hommes et femmes depuis des centaines d’années.
A Sarayaku, il reste une dizaine de Yachaks qui ont décidé de réagir pour maintenir intacts leur lignée et leurs savoirs. Certains, comme Don Sabino, sont à l’origine du projet «Frontière de Vie».